Une dizaine de frontaliers nous ont interpellés après avoir lu un article de presse au sujet d’une décision judiciaire qui a condamné une banque à rembourser une partie du prêt à un couple qui s’était plaint d’être victime du taux de change trop élevé du Franc Suisse face à l’euro ce qui a engendré pour ces derniers une augmentation notable du montant emprunté en euros pour leur achat immobilier.
Ces personnes ont invoqué qu’elles ignoraient ce risque de fluctuation des valeurs monétaires et que la banque n’avait pas rempli son obligation d’information contractuelle concernant des désavantages engendrés par l’augmentation du CHF au fil des années face à l’euro.
En première instance, le Tribunal judiciaire a estimé qu’une des clauses de leur contrat de prêt en devises ne permettait pas à ce couple d’être correctement informé des risques liés à un changement de parité CHF/Euro.
Et depuis certains avocats à grand renfort de publicités incitent ou plutôt appâtent les frontaliers concernés afin qu’ils puissent traiter leur dossier en faisant miroiter des remboursements colossaux.
Pour certains avocats cette pratique est de bonne guerre et légale. Ils ont une obligation de moyens, mais aucune obligation de résultats aussi optimistes et convaincants soient-ils !
D’ailleurs, nombreux sont les avocats qui ont bénéficié des fruits de notre travail et de nos multiples jurisprudences pour les « revendre » sans trop se fatiguer. Nous les avions vu faire des effets de manches à Mulhouse à l’époque des jugements du libre choix de l’assurance maladie.
Le tribunal judiciaire a aussi estimé que le délai de prescription ne pouvait être invoqué par la banque. Il a en cela appliqué une jurisprudence de la Cour de Cassation de juillet 2024 et cela pourrait ouvrir des voies de recours beaucoup plus vastes.
A ce stade, et c’est très important dans le cas présent, il faut retenir que les rares décisions à ce sujet pour des cas individuels ne font pas jurisprudences comme cela pourrait être le cas pour un arrêt de la Cour de Cassation.
La seule décision de la Cour de cassation qui évoque un prêt en CHF date de juillet 2024. Mais elle concerne un emprunteur qui lors de la conclusion du prêt en CHF ne percevait pas des revenus en CHF. Et ceci n’est pas un détail car il est fort probable que les juges aient pris en considération qu’un salarié percevant des revenus en euros doit être correctement informé par la banque des inconvénients financiers pour l’emprunteur de la fluctuation entre l’Euro et le CHF.
Et ceux qui proclament qu’à présent c’est gagné d’avance ne précisent pas que des plaignants ont été déboutés par des instances juridiques, Cour d’Appel y compris.
Ce dont personne n’a connaissance à ce jour, mais que nous pouvons annoncer de source sûre, c’est qu’un dossier d’un travailleur frontalier est actuellement en instruction à la Cour de Cassation et l’arrêt devrait être rendu prochainement.
Mais nous précisons que pour ce dossier la Cour d’appel avait débouté le plaignant qui ensuite s’est pourvu en cassation.
Au vu des enjeux et sachant que les plus hautes instances juridiques françaises n’ont pas encore tranché pour un dossier de prêt en devises de frontalier ou d’ex-frontalier, il serait un peu téméraire de crier victoire. Sinon l’histoire risquerait de se terminer comme la fable de Perrine et son pot au lait…
Nous savons aussi que la Cour d’Appel a donné raison à autre un emprunteur mais que la banque s’est pourvue en Cassation et le jugement est aussi en attente.
Chaque contrat de prêt en devise est différent selon les banques et même dans la même banque puisque la rédaction des contrats fluctue.
Il serait donc trop simpliste de penser que si un juge estime qu’une phrase très spécifique d’un paragraphe d’un contrat individuel de prêt est contraire à la loi applicable, qu’il suffit d’en déduire que si lors de la souscription d’un contrat en devise les frontaliers ne sont pas contractuellement rendus attentifs aux risques de fluctuation du CHF et de l’euro qu’ils ignoraient que ce risque en leur défaveur pouvait se produire.
Surtout qu’il est évident que la souscription de ces prêts en CHF était très intéressante puisque le taux d’intérêt était nettement inférieur à un emprunt en euros.
S’agissant d’un manque d’informations écrites des risques liés à la perte d’emploi en Suisse et donc de ne plus disposer de revenus en CHF lorsqu’on est inscrit au chômage si on a souscrit un prêt en Franc Suisse, cela relève de l’appréciation et de l’interprétation des multiples juges qui doivent trancher.
Petit rappel : Il y a quelques années, le CDTF du Haut Rhin avait par voie de justice obtenu l’application stricte de la clause de variation du Libor même s’il était à taux négatif pour les frontaliers qui avaient souscrit un prêt dont le taux d’intérêt était indexé sur le Libor.
Pour cela, nous avions au départ invité les frontaliers concernés à une réunion, ils étaient 80 à s’être déplacés, mais des milliers étaient concernés. Nous leur avions indiqué qu’ils devraient chacun déposer une plainte en leur indiquant que des frais d’avocat seraient à leur charge.
En précisant que notre avocat s’était déclaré prêt à réduire ses honoraires au minimum puisque le sujet et les arguments étant identiques ce qui permettait de mutualiser le coût.
A la seconde réunion, seules 35 personnes s’étaient déplacées et certaines ont estimé qu’il leur fallait des garanties de gagner de notre part ou de l’avocat avant de verser un acompte d’honoraires estimant que face à de grands organismes bancaires ils risquaient de perdre.
Et lors de la 3e réunion, seuls 15 frontaliers avaient décidé de porter plainte !
Sauf qu’en cours de procédure, la moitié d’entre eux avaient « sauté du cheval » en douce et accepté de signer un compromis que la banque leur a soumis en contrepartie du retrait de leur plainte.
Par chance les 7 ont tenu bon et donc la justice a donné gain de cause à ces frontaliers.
Ce qui a eu des conséquences collectives pour la totalité de ces milliers de frontaliers emprunteurs sur la base du Libor puisque les banques sans même avoir été sollicitées ont spontanément remboursé les frontaliers en respectant la clause contractuelle qui concernait la variation liée au Libor, y compris négatif.
Forts de cette expérience qui a été collectivement positive pour l’ensemble des emprunteurs frontaliers de l’hexagone, mais qui nous a laissé un goût amer au vu des réactions de ceux à qui nous avions dès le départ gentiment tendu la perche, nous allons à présent opérer différemment.
A ce jour et au stade des procédures en cours, il serait à notre avis un peu risqué de proclamer que sur la base des décisions de justice actuelles celles-ci deviendront sans aucun doute collectivement force de droit et donc de loi face aux juges et aux banques.
Sachant qu’il n’y a selon le jugement de Bourg-en-Bresse pas de prescription, absolument rien ne presse et surtout à notre avis il est trop tôt de verser des honoraires à des avocats qui veulent très vite profiter des fruits de jugements qu’ils n’ont pas plaidés, mais dont ils tirent des pronostics très optimistes en se basant sur des procédures qui à ce jour ne sont pas épuisées.
Ceux qui déposeront plainte maintenant risqueront d’attendre des années avant de voir aboutir leur recours puisqu’il faut passer toutes les étapes des voies de justice.
D’ici là, des réponses seront apportées par les hautes autorités de justice et si elles sont favorables aux frontaliers gageons que les banques concernées n’attendront pas pour agir comme il se doit.
N’oublions pas que ce n’est pas la quantité de plaignants qui dictent le droit, ceci pour ceux à qui ont fait croire qu’il faut se rallier à des collectifs.
Alors que faire ? Tout simplement attendre comme la majorité des milliers de personnes quand elles savent que d’autres se battent pour la cause frontalière qui les concerne.
Attendre que les fruits murs tombent de l’arbre.
Ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas attendre (et c’est leur droit) peuvent écouter le chant des sirènes et des Top-Chefs qui leur expliquent que c’est déjà du tout cuit et qu’il suffit de mettre le plat au micro-ondes et se mettre à table pour le déguster.
Attendre que la Cour de Cassation se prononce pour les deux dossiers actuellement en cours.
Il serait facile pour nous de nous rallier à l’optimisme de ceux qui mettent déjà le champagne aux frais, de brasser du vent et de réunir des emprunteurs et ex-emprunteurs pour les inciter à porter plainte massivement et très vite.
Gageons que si nous pouvions leur servir de locomotive, certains non-adhérents ou ex-adhérents se rallieraient très vite à la fumée de notre panache blanc.
Mais nous ne mangeons pas de ce pain-là, nous ne sommes ni opportunistes, ni démagogues.
Et nous voulons éviter d’être « sabrés » par les dépités à qui nous aurions promis une victoire en leur expliquant qu’il faut dès à présent et dans leur intérêt investir dans des frais de justice qui par la suite (puisque le meilleur des avocats n’est pas juge) pourraient être des dépenses à fonds perdu.
En tout état de cause, si les délais de prescription ne sont pas applicables, rien ne presse, mais s’ils sont applicables cela réduira en peau de chagrin le nombre d’emprunteurs qui pourraient obtenir gain de cause.
Rappelons aussi que de nombreuses Mairies (pas forcément situées en zone frontalière) qui avaient souscrit des prêts en CHF ont été déboutées à l’issue d’une longue procédure.
Voilà notre réponse à ceux qui nous ont posé où se posent la question et surtout à ceux qui méconnaissent la situation.
Nos conseils sont des recommandations mûrement réfléchies et développées que chacun est bien entendu libre d’interpréter comme bon lui semble.
Pour l’instant, nous estimons non seulement que le pétard est humide, mais en plus la mèche est encore trop courte pour l’allumer car le pétard pourrait éclater dans la main !
Pour autant, nous attendons les 2 premiers arrêts de la Cour de Cassation concernant cette fois-ci des emprunteurs qui percevaient des revenus en CHF et qui résident en France. Et nous aviserons nos adhérents à ce moment-là.