Après des années d’attente, le Tribunal Administratif adresse des ordonnances aux ex-travailleurs frontaliers, à leur conjoint survivant ou à leur(s) orphelin(s), qui avaient contesté les prélèvements sociaux (CSG/CRDS) sur les pensions versées par un pays de l’UE ou assimilé, à l’instar de la Suisse, alors que leur revenu d’activité a déjà été soumis aux prélèvements obligatoires dans ce pays.


Même si le juge ne reprend pas l’intégralité de nos répliques déposées au Conseil d’Etat s’agissant du premier et unique dossier jugé à ce jour par le Conseil d’Etat concernant une veuve de frontalier polypensionnée défendue par le CDTF, depuis le début de la procédure le juge a reconnu qu’il n’était pas possible d’exiger d’une personne polypensionnée plus de prélèvements sociaux que le montant annuel des pensions versées par son pays de résidence.


C’est pourquoi il est dit dans les décisions reçues que l’ex-travailleur frontalier ou ses ayants droit sont déchargés des prélèvements de CSG et de CRDS auxquels ils ont été assujettis sur leurs pensions étrangères, mais dans la limite du montant de la pension versée par la France.


Le CDTF se réjouit de cette première victoire, mais ne s’en contentera en aucun cas.


En effet, autant nous n’avons jamais contesté que la France était compétente pour gérer l’assurance maladie (dont relèvent les ex-travailleurs frontaliers ou leur(s) ayant(s) droit), et pouvait à ce titre exiger les prélèvements correspondants, autant il ressort du droit de l’Union européenne (qui s’applique également dans les relations avec la Suisse) que la France n’est aucunement compétente pour interférer dans la branche vieillesse-veuvage d’un autre pays et s’arroger le droit de faire cofinancer sa propre branche vieillesse-veuvage, au travers des prélèvements critiqués, par ce pays.


Ainsi, durant leurs années d’activité à l’étranger, les frontaliers et leurs employeurs cotisent, pour la Suisse, à la caisse suisse de compensation, afin de constituer leur droit à pension de retraite, de veuvage, d’invalidité ou d’orphelin.

La Caisse Suisse de Compensation ne finance pas l’assurance maladie obligatoire en Suisse, à la différence de ce que nous connaissons en France où la CSG et la CRDS financent plusieurs branches de la sécurité sociale, entre autres la branche maladie, mais aussi la branche vieillesse- veuvage.

Le rapporteur du Conseil d’Etat l’a formellement reconnu dans un arrêt de l’année dernière, mais a considéré que la part reversée à la branche vieillesse-veuvage était insignifiante. Il est évident qu’il méconnaît les montants que cela représente et surtout que la Cour de justice de l’Union européenne a déjà jugé que tout prélèvement illégal, serait-il même minime, est prohibé.


En résumé, alors que les ex-travailleurs frontaliers ou, à travers eux, leurs ayants droit, ont déjà acquis leurs droits à pension dans un autre Etat, il est exigé d’eux le paiement de prélèvements sociaux destinés à financer l’assurance vieillesse-veuvage, une seconde fois, sur leurs revenus bruts, sans que la France n’ait à supporter la charge des prestations correspondant à ces prélèvements !


Cette victoire, encore en demi-teinte à ce stade, est le résultat d’un long et pénible combat.

Si le CDTF n’avait pas mené ces procédures dès 2014, la France se serait permise à tort de prélever des montants totalement indus sur les pensions.


Par un jugement de 2019 (au terme d’une procédure qui a duré 5 ans), nous avions déjà empêché la France de pouvoir continuer à encaisser indûment la CSG et la CRDS sur les revenus du patrimoine et l’avions contrainte à rembourser à celles et ceux qui avaient réclamé à temps les prélèvements exigés à tort.

En 2018, après une longue procédure, nous avions également empêché la France de réclamer à des milliers de frontaliers des cotisations maladie en double et l’avions forcée à rembourser les victimes de cette cupidité, la France allant jusqu’à accuser, sans fondement, la Suisse de ne pas respecter les accords et à le publier !


Il est regrettable que notre association soit contrainte d’expliquer en lieu et place des juristes et ministres comment il convient d’interpréter le droit de l’Union européenne sur la libre circulation des travailleurs et ses conséquences en matière de prélèvement de cotisations.

Il est tout aussi regrettable qu’il faille attendre six ans pour que les dossiers des ex-travailleurs frontaliers ou de leurs ayants droit, veufs, veuves ou orphelins, soient enfin traités en première instance !


Cette longue attente a permis de ne pas avoir à rembourser les contribuables qui ont oublié ou qui ont décidé de ne pas réclamer le remboursement des prélèvements sociaux assis sur leurs pensions étrangères dans le délai de prescription triennal.

Ceux qui nous ont suivi se sont certainement rendus compte de l’immense tâche qu’a eu à accomplir le CDTF pour tenter de renseigner un maximum de personnes et de les assister au mieux dans la constitution de leur dossier.  Ceux qui ont estimé que les démarches étaient inutiles et étaient vouées à l’échec vont à présent très certainement avoir des regrets et revenir vers nous !


Concrètement qu’avons-nous déjà obtenu en première instance ?

Le fisc doit rembourser aux ex-travailleurs frontaliers ou à leurs ayants droit immédiatement le montant de la CSG et de la CRDS qui excède celui des pensions annuelles allouées par la France, augmenté des intérêts qui ont couru depuis les prélèvements effectués à tort ; les ordonnances sont en effet immédiatement exécutoires.

Concrètement, un retraité frontalier qui s’est acquitté d’un montant de 4 500 € au titre de la CSG et de la CRDS par an sur sa rente étrangère et perçoit une rente française de 500 € par an, se verra rembourser 4 000 € et ceci rétroactivement pour toutes les années contestées, augmentés d’un intérêt de retard de 4,80 % par an.

L’action du CDTF dans cet exemple a été très rentable et à moindre frais (seuls les frais postaux) pour les personnes qui ont su nous faire confiance.


Mais, à ce stade, l’action n’a pas encore été totalement couronnée de succès.

En effet, les personnes percevant une pension française supérieure au montant des prélèvements sociaux, payés sur l’ensemble de leur revenu français et étranger ont été déboutés par le tribunal administratif.

Le comble est que cela concerne essentiellement ceux dont les pensions sont les plus faibles !


Nous avions demandé dans nos recours que le tribunal, pose, en cas de doute, une question préjudicielle aux juges de la Cour de justice de l’Union européenne mais cette demande nous a été refusée d’un trait de plume, et pour cause, chacun connaît les jurisprudences de la Cour de justice de l’Union européenne (dont certaines initiées par le CDTF) et son orientation en la matière !


Une jurisprudence de l’année dernière a déjà condamné la France parce que la plus haute juridiction administrative avait refusé de poser une question préjudicielle à la Cour de justice.


Des milliers de travailleurs frontaliers qui résident en France sont ou seront concernés par ces prélèvement sociaux que nous considérons comme abusifs. Pourquoi s’interdire de poser une question aux juges de la Cour de justice alors qu’une telle démarche auraient évité bien des contentieux ?

Si ces derniers devaient (pour des motifs qui semblent à ce jour improbables) donner tort au CDTF, celui-ci renoncerait à toute procédure. Quoi de plus normal puisque nous aurions ainsi eu l’avis des juges suprêmes que nous respectons et nous saurions que notre raisonnement comportait une faille.


Quelle est la procédure à suivre pour celles et ceux qui ont réceptionné le courrier du tribunal ?

Adressez-nous (par voie postale ou en déposant votre enveloppe dans notre boîte aux lettres) une copie de l’ordonnance du Tribunal Administratif, de vos avis d’imposition pour les années contestées, une copie de votre courrier de réclamation et donnez-nous vos coordonnées, en particulier votre n° de téléphone et votre adresse mail afin que nous puissions vous contacter.


Chaque dossier est différent et nous ne connaissons pas le nombre de personnes concernées à ce jour.


En fonction des situations et surtout des montants contestés, une procédure en appel sera nécessaire devant la Cour administrative d’appel de Nancy. Ces dossiers en appel devront être traités individuellement par un avocat. Nos avocats maîtrisent parfaitement la question et sont à vos côtés et de tous les combats au travers du CDTF depuis 2014.


Une action collective n’est pas possible à ce stade et il faudra prévoir une participation aux frais. Celle-ci pourra être prise en charge par une assurance de protection juridique, parfois incluse, sans que les personnes ne le sachent, dans leur assurance multirisques habitation. Renseignez-vous !

Le montant de la participation aux frais sera abordable puisque nos avocats ont l’expérience de ces dossiers.

Néanmoins, l’enregistrement de chaque plainte et de l’ensemble des données personnalisées sera fastidieux et long.


En conclusion, le CDTF a obtenu une victoire partielle qui aura des conséquences financières très favorables pour une partie des retraités, mais pas encore pour tous.


Chacun pourra néanmoins constater que dès la première instance nos arguments ont porté leurs fruits et qu’il est juste de continuer le combat. Sinon pourquoi les juges refuseraient-ils d’interroger ceux de la Cour de justice de l’Union européenne dont l’avis en cas de doute mettrait fin à toute polémique ?


Le fisc a lui aussi la possibilité d’interjeter appel, mais nous ne pensons pas qu’il le fera car sa thèse est vaine.

Nous sommes persuadés du bon droit des ex-travailleurs frontaliers et de leur(s) ayant(s) droit, mais constatons également que toutes les turpitudes sont permises, encore accentuées par les enjeux financiers très importants, ce que nous n’aurions pas pu imaginer jusqu’à une époque récente.


Aussi, comme nous l’avons toujours dit et écrit, nous ne pouvons pas garantir la victoire, notre pouvoir étant limité à défendre le droit et non à le dire !